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C'est le seul cadeau que vous devez demander pour Nawel. Tout les autres ne font pas le poids à côté de celui-là -- littéralement. Il faut dire qu'avec ses 4,5 kilos, 660 pages, 99 €, la publication de l'intégrale des dessins et caricatures du New Yorker est un OVNI dans l'édition française. Ou le serait s'il pouvait voler. Je le déconseille. Vous pourriez l'abimer, ainsi que ses DVDs, et ce serait un crime de s'attaquer à cette future Bible :
Cette même méticulosité s'appliquait aux dessins : Ross exigeait un style fort, rectifiait à l'excès les croquis (demandant même qu'une silhouette de gros bonhomme devienne « concave ») et eut le talent de recruter plusieurs générations de cartoonistes superbes. Ainsi, au fil des ans, des caricaturistes comme James Thurber, Helen Hokin-son, Arno, Saul Steinberg et Art Spiegelman purent se moquer de la planète entière. C'est encore au « New Yorker » qu'un bizarre comme Chas Addams fit ses débuts : son premier dessin, en 1940, représentait des traces de skis parallèles, s'écartant autour d'un sapin, pour redevenir parallèles après. Addams fut engagé sur-le-champ.
Institution de la presse américaine, le magazine a survécu à tous les changements de cap (dont les années 1990, sous la direction de la snobissime Tina Brown), à tous les bouleversements politiques. Discrètement à gauche, mais allant jusqu'à soutenir la candidature du démocrate John Kerry aux dernières élections, « The New Yorker » a incité ses dessinateurs à suivre toutes les tendances sociales, à rire de toutes les modes. Dans les années 1930, années de dépression (nerveuse et économique), un type triste, au lit, rétorque à sa femme : « Tu crois que ça me fait plaisir d'être hypocondriaque ? » Pour les années 1950, sous haute surveillance policière, un dessin terrible : un homme tente de se suicider, la tête dans le four à gaz. La cuisinière : « Vous avez une autorisation ? » Dans les années 1960, deux filles, portant des minifourrures au ras des fesses, s'étonnent : « J'ai l'impression que les hivers sont plus froids qu'avant. » Enfin les hippies, les gauchistes, les étudiants agitent le spectre d'une démocratie plus participative, dans les années 1970. Un labrador, le regard las, écoute ses hôtes : « Nous, les jeunes puces, nous voulons intervenir davantage dans la gestion de ce chien ! »
Regardez, aussi, l'élégance du trait : on peut préférer les ombres expressionnistes de McInerney aux expressions simplifiées d'Arno, les silhouettes épurées de Fred Price aux imprécisions artistiques d'Alan Dunn, mais le style, au « New Yorker », est parfait. Même si, aujourd'hui, les sujets abordés - le Viagra, le Botox - prêtent à la gaudriole, pas de dérapage : le rire gras n'est pas toléré. Le « Dandy Régence » garde son monocle. « The New Yorker », c'est un peu de classe dans un monde de brutes.
Dans le même numéro, le nouvel Obs interview Sempé pour la sortie de son son dernier album, Un peu de France. Sempé qui a dessiné plus de 70 couvertures pour le New Yorker.
N. O. - Vous utilisez la couleur avec parcimonie...
Sempé. - La couleur n'est jamais décorative. Elle se justifie par le détail. Comme ce fumeur dessiné au lavis, et à terre un paquet de gitanes. Cette petite pointe de bleu est un luxe inouï, dans ce grand blanc, une image évocatrice pour tous. Même si, bientôt, les Français n'auront plus le droit de fumer, et que le fumeur de brunes se fait rare.