La Muselivre

Imaginerait-on au lendemain des attentats du 11 septembre, l'administration Bush ouvrir des camps de détention pour y détenir les citoyens d'origine musulmane vivant aux Etats-Unis ? «Impossible !» disent les belles âmes. «Vous êtes un antiaméricain forcené !» apostrophent nos trop rares lecteurs en déchirant cet article. Et pourtant... Ouvrons une page d'histoire : Le 7 décembre 1941, les Japonais attaquaient Pearl Harbor et Roosevelt déclenchait aussitôt l'entrée en guerre des Etats-Unis. Le 8 décembre, le grand-père de la romancière Julie Otsuka, patron d'une entreprise japonaise d'import-export établi à San Francisco, part travailler et ne revient jamais. Disparu avec une maîtresse ? En fuite frauduleuse ? Espion pour le compte de l'empereur Hirohito ?
Le FBI l'avait simplement arrêté puis emprisonné sans autre forme de jugement dans une prison spéciale au Nouveau-Mexique, en compagnie de 1 200 autres suspects d'origine nippone, naturalisés américains et dont aucun ne sera en fin de compte déclaré coupable. Ils sont privés de leurs droits, leurs biens, leurs familles. Ils peuvent écrire des lettres, que la censure met en charpie. Le congrès s'excusera pour le zèle de Roosevelt en 1988 : un peu tard.

C'est ce sujet encore plus ou moins tabou (la preuve en est la pénurie de livres sur le problème) aux Etats-Unis que porte le premier roman de Julie Otsuka. Le sujet en est encore tellement tabou que sa sortie en France est presque restée confidentielle : bien dommage pour un livre aussi bon, qui fait dans tout sauf le pathos facile. Lisez-le de ma part.