Depuis le 3 mars, jour de sa mise en liberté sous contrôle judiciaire, il pointait tous les samedis au palais de justice de Paris. Mais, ce dernier samedi, Cesare Battisti ne s'est pas présenté. Les élus de gauche qui l'accompagnent d'habitude l'ont attendu en vain. A la demande du garde des Sceaux, un mandat d'arrêt a été lancé hier contre l'écrivain italien, puisque le contrôle judiciaire, alternative à la détention provisoire, «n'a pas été respecté» (1). Pour l'écrivain italien, cela signifierait si on le retrouve un retour en prison sous écrou extraditionnel, en attendant que la chambre de l'instruction décide de le renvoyer, ou non, en prison.
[...]L'écrivain de polars s'est évadé en 1981 d'une prison italienne, avant d'être condamné à la perpétuité en 1991 pour quatre assassinats commis au nom des PAC (Prolétaires armés pour le communisme). Réfugié au Mexique, puis en France en 1991, Battisti avait refait sa vie, à Paris, comme d'autres ex-activistes des années de plomb italiennes. Dès son arrestation le 10 février 2004, une partie du monde littéraire, artistique et politique (PS, PC, Verts, LCR) s'était mobilisée. Chacun rappelant la «doctrine Mitterrand», cette «parole de l'Etat» donnée par le président de la République en 1985 aux réfugiés italiens de ne pas les extrader, à condition qu'ils aient «rompu avec la machine infernale».
En attendant, cette disparition inquiète les soutiens de Battisti. Ses avocats Irène Terrel et Jean-Jacques de Felice, qui l'ont vu récemment, assurent que leur client «va très mal psychologiquement, ne supportant plus le harcèlement judiciaire et médiatique dont il fait l'objet». Ils ont aussi en mains un certificat d'un médecin expert auprès de la cour d'appel de Paris attestant «d'un état dépressif très grave qui doit être soigné rapidement». «Nous ne savons pas actuellement ce qu'il advient de Cesare Battisti mais cette expertise renforce nos inquiétudes», s'alarmaient hier les avocats. Ses proches témoignent : «Il était épuisé, effondré, se sentait traqué. Il était suivi en permanence par des policiers et avait même peur de prendre le bus ou le métro. Et on va dire que c'est sa faute s'il n'est pas allé à son contrôle judiciaire, alors qu'il a été poussé à bout !» Battisti est-il donc, comme le pensent ses amis, dans un tel état qu'il reste terré ? A-t-il fui ? Sera-t-il là pour assister à l'audience de la Cour de cassation qui, en dernier ressort, doit prochainement statuer sur son extradition ?
"Je ne sais plus s'il avait quelque confiance en la justice de ce pays, de l'Italie, en rien, et il était devenu très fragile, il pleurait beaucoup, il n'a pas tenu le choc, il a eu peur", selon Fred Vargas. En mai, elle avait rassemblé dans un livre "La vérité sur Cesare Battisti", divers textes et documents montrant, selon elle, que son extradition serait "une injustice profonde".
"Il a été détruit psychologiquement par la campagne de presse qui en faisait un monstre. Ce qui a été très dur, c'est quand il a déclaré au Journal du Dimanche (du 8 août): +je n'ai jamais tué personne+ et que c'est tombé dans une espèce de silence et d'indifférence. J'ai vu que ça l'avait beaucoup affecté, comme si personne ne le croyait, comme si la diabolisation était trop forte. Il avait vraiment atteint un degré de détresse palpable", selon elle.
J'ai un sentiment plutôt mitigé vis à vis de cette affaire Battisti : si je suis pour une certaine forme de prescription après toutes ces années, et surtout pour le respect de la parole donnée par Mitterand, je suis beaucoup moins fan de la technique Vargas qui consiste à faire passer le pauvre petit ancien terroriste pour le pauvre bouc-émissaire innocent: qu'il ait ou non tué ces quatre personnes, il a activement participé à leur mise à mort. Et quoi qu'on décide de faire à propos de son extradition, ou de sa condamnation, ça, c'est un fait que personne ne devrait oser discuter.
Battisti a participé à des choses ignobles : le tout est de savoir si l'on accepte ou pas le principe de seconde chance et de "rédemption". Mais que l'on fasse tout ce foin et que l'on discute les faits uniquement parce que Battisti est un artiste et non parce que l'on considère qu'il y a une injustice dans son extraditon, je trouve ça monstrueux et choquant.
Bientôt, on finira par vraiment dire à voix haute que l'antisémitisme de Céline n'était pas grave, parce que c'était un génie. C'est terrible comme manière de penser. C'est terrible, et c'est dangereux.