La Muselivre

Le Nouvel Observateur. – Quel événement vous a poussée à écrire un tel roman?
Léonora Miano. – Il y a deux ans, j’ai vu un reportage sur les enfants-soldats au Liberia. On interrogeait un jeune garçon pour savoir pourquoi il était parti au combat. Il a raconté. Un jour, des miliciens sont venus dans son village, ils ont tué son petit frère et obligé tous les villageois à le manger avec le manioc. Cette histoire m’a hantée. Je ne comprenais pas pourquoi cette population avait accepté de manger cet enfant. [...]
N. O. – Ce que vous dénoncez porte un nom devenu tabou: barbarie.
L. Miano. – Oui. Il ne faut pas avoir peur de dire les choses et surtout, pour vous Occidentaux, de dépasser le complexe lié à la colonisation. Il faut oser dire que les Africains commettent un crime contre l’humanité en tuant leurs enfants. Nous avons tendance en Afrique à désigner l’Occident comme le grand coupable de tous nos maux. Or l’Afrique est peut-être armée par l’Occident mais, que je sache, jamais un Occidental n’a dit à un Africain de découper ses enfants en morceaux ni à un dictateur de massacrer son peuple. On se plaint que la colonisation ait éradiqué nos cultures, en tout cas elle n’a pas éradiqué leur côté obscur. Mon obsession, c’est le mal que les Africains se font à eux-mêmes. Personne ne leur demande d’envoyer les enfants faire la guerre. Ce sont parfois des gosses de 5 ans, à qui on fait croire que, s’ils mangent le cœur cru d’un ennemi, ils seront à l’épreuve des balles. Ils le font, et bien entendu ils sont traumatisés à vie.

En Afrique, on ne fabrique pas seulement des généralisme tyran ou des enfants soldats. On pratique aussi encore le cannibalisme. Léonora Miano, camerounaise, a écrit un roman sur le sujet.