La Muselivre

Certains jours, on en vient à douter du monde.

- Quand on n'arrive plus à accèder à son blog, parce qu'il y a trop de bloggueurs dans ce pays (au lit les mômes !),
- Quand on est obligé de se fader des cours à la Sorbonne, et que les seules oasis de lumière et d'espoir dans ce monde de savoir mal digéré sont les bornes internet que, malheureusement, on a oublié de brancher à internet,
- Quand la BNF est un problème d'internet juste le seul jour de la semaine où vous arrivez à y aller (mais qui a éteint la lumière ?!),
- Quand vous devez allez nourir des miasmes nombreuses et variées d'un cyber-café votre fièvre carabinée pour pouvoir enfin poster,
- Quand Michel Houellebecq remporte le prix Interallié parce que son sujet est très porteur (le clonage sans l'éthique, c'est sûr, c'est super porteur),
- Quand on m'informe que La possibilité d'une île est en fait "un livre de science-fiction sur la hantise du vieillissement et le rêve de l'éternelle jeunesse, assorti d'une critique radicale de notre société vue par un humoriste cynique", et que cette définition est tellement incroyable que je pourrais rire malgré ma fièvre si ce n'était pas si affligeant,
- Quand Michel Houellebecq, nouveau Christ à la place de Raël, informe le monde que la modestie ce n'est plus vendeur, en fait, c'est même complètement démodé, d'ailleurs, la preuve, c'est que c'est inclonable : "C'est normal que j'aie eu un prix, d'une manière ou d'une autre, sinon il y aurait une espèce d'illogisme qui serait choquant",
- Quand le ministre de la culture fait sa déclaration d'amour à Houellebecq (ainsi qu'au Goncouré et à la Renaudotée) après avoir visblement oublié qu'en France il y a plus de 700 prix littéraires à féliciter -- mais en même temps quand on dit à Houellebecq, mémorable admirateur de la femme, vagin sur pattes qui parle trop, "Vous êtes aussi un grand romancier de l'amour, même si vous imaginez le jour où il disparaîtrait de la surface de la terre. Vos deux portraits de femmes sont magnifiques, dans leur vérité douloureuse", on n'est pas sûr de vouloir connaître l'opinion de notre cher ministre de la culture sur le reste du monde littéraire, non, franchement, vraiment pas.

Certains jours on en vient à se demander pourquoi on se fatigue à se battre contre cette gigantesque conjuration d'imbéciles, surtout qu'en plus la vie est tellement moche ces jours-ci qu'en plus de voir un mauvais auteur récompensé, on voit une excellent auteur s'en aller, et franchement la mort de John Fowles, c'est vraiment un crève-coeur autrement plus important que le non-évènement Houellebecq.

Et puis on se dit que tout ça, c'est la faute à la fièvre, et qu'il y a des trucs bien aussi dans la vie, et que même les prix littéraires, parfois, ont du bon.

- Parce que les Lycéens du Goncourt ont en effet (j'avais deviné !) récompensé le SEUL livre de la liste officielle qui était valable, soit Magnus de Sylvie Germain, et que les Lycéens du Renaudot se sont eux aussi tournée vers la littérature plutôt que vers la page people de leur guide de Saint-Germain-des-Prés pour les nuls, et ont récompensé Pierre Jourde, et franchement on se dit que les lycéens, contrairement à se que dit la télé ne sont pas tous des analphabètes brûleurs de voirures,
- Parce que le Femina est peut-être le seul prix littéraire français récompensé par les adultes qui arrive plus de deux fois tous les dix ans à récompenser un bon livre, et que Régis Jauffret méritait bien, depuis longtemps, qu'on lui tire un peu son chapeau,
- Parce qu'on peut difficilement se tromper quand on récompense un livre étranger, et qu'en plus Orhan Pamuk et Joyce Carol Oates, c'est vraiment la meilleure cuvée qu'on puisse trouver.

Alors puisque c'est comme ça, moi, je vais aller soigner ma fièvre et faire comme si le monde n'existait pas pendant quelques heures, et voir si ça ira pas mieux après. Na !!