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    Une interview malheureusement très inégale sur la longueur (mais les poncifs, de la part de Duteurtre, ça ne m'étonne pas beaucoup) sur l'avenir du roman, de Bruno Duteurtre et de l'inventeur de la revue littéraire L'Atelier du roman avec quelques bonnes remarques, cependant, qui méritent bien qu'on perde quelques minutes à parcourir le papier :

    La morale persiste-t-elle aujourd'hui à absorber le roman ? En quelque sorte. C'est aujourd'hui une grande tendance en France, très pénible d'ailleurs, que ce retour en force de la confusion entre l'art et la morale. Ce n'est pas seulement vrai en littérature, on retrouve ça partout. L'artiste est sans arrêt embrigadé dans des pétitions, des campagnes et des causes : un jour sous la bannière des Inrockuptibles, le lendemain sous celle du Monde. C'est toujours pour la bonne cause, certes, mais on finit par avoir l'impression que l'artiste doit forcément se situer du côté du Bien, du progrès social. Toute l'histoire de l'art prouve pourtant qu'il peut très bien ne pas y être, qu'il n'y a rigoureusement aucun lien entre art et morale. Cette idée d'un art qui joue une sorte de fonction de lien social, de bonne parole, reste hélas assez répandue en France aujourd'hui. Je suis résolument contre cette idée, car j'aime des grands artistes progressistes mais aussi d'autres aux antipodes de cette attitude, toute leur vie. Ce glissement du champ artistique au politique est typiquement français : dans d'autres pays, ce serait inconcevable.

    [...]L. P. : Les pages littéraires ont beaucoup changé aussi. L'image frappante à ce niveau là, c'est que la littérature dans les journaux, c'est pour les week-ends ou les vacances… Pourquoi commence-t-on la semaine par l'économie ? C'est significatif… Quant à la critique universitaire, elle est indispensable, mais on y reste figé dans un milieu. La littérature, en rentrant dans un monde d'universitaires, d'érudits, se coupe de sa vocation première, à savoir parler à tout le monde… Compartimentation qu'on retrouve aussi en économie ou en science. Mais si on fait ça avec la littérature, on la coupe de l'homme ordinaire, concerné en tant que sujet qui crée des problèmes et qui y réfléchit. La différence dans tout ça, c'est que les professeurs s'adressent à un public acquis d'avance, qu'ils ne sont pas obligés de conquérir un public. Alors que l'écrivain lutte à chaque phrase pour ne pas que le lecteur anonyme ferme le livre… Si on n'a pas ce lecteur comme destinataire final, on ne parle plus forcément la langue appropriée. Ceci dit, je suis loin d'accabler cette forme de critique : qu'elle fasse son travail. Mais la critique littéraire, depuis deux ou trois siècles, ne passe plus par elle ni par l'université. Les grandes revues ont plutôt par tradition été fondées par les écrivains, et ce à partir d'un profond désir de parler à leurs lecteurs.
    Quand au principe de la revue littéraire, on se demande bien ce qu'il peut encore signifier quand on lit ça :

    L'Atelier est aujourd'hui publié chez Flammarion. Beigbeder a-t-il son mot à dire sur le contenu de la revue ?

    Non. Les choix de l'éditeur n'ont aucune prise sur le contenu de L'Atelier, dont je suis et reste l'unique propriétaire. Cela étant, il est vrai que je ne pourrais pas descendre un auteur publié chez Flammarion et commercialement important pour eux. Question de savoir-vivre.
    Evidemment, si les opinions ne sont plus qu'une question de savoir-vivre...

    Ecrit par Heileen, à 16:48 dans la rubrique "Littérature générale".

    Commentaires :

      Anonyme
    12-10-05
    à 06:16

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