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  • "J'ai peur"
    Ce qui est beau, rare et remarquable dans le parcours de l'écrivain, c'est cette ligne de conduite inflexible, cette morale littéraire et -- indissociablement -- civique, politique, historique et sexuelle ; une morale presque puritaine.
    [...] le lecteur assiste à une véritable mutation et métamorphose personnelle du langage. Il est, au fil des textes et de l'avancée du travail textuel de l'écrivain, de plus en plus lâché dans une langue scandaleuse, une langue chamboulée et révolutionnée, à la limite (dépassée) de la lisibilité, une langue qui cherche une nouvelle inscription du sens dans la sonorité des mots.
    [...] Dans un texte datant de 1977, Pierre Guyotat, qui n'a jamais reculé, c'est le moins qu'on puisse dire, devant l'évocation et la conjuration de la violence remonte à la source de son inspiration et de son travail d'écrivain : "J'ai peur parce que je n'ai ni de haine ni de mépris pour personne. J'ai peur parce qu'écrire me sépare de la horde. J'ai peur parce que je peux encore tourner autour de ma folie. J'ai peur parce que j'ai de plus en plus peur de me retourner sur ce que je viens d'écrire, comme si peut-être je craignais de faire disparaître ainsi le seul objet, la seule durée avec lesquels je sache encore tenir le souffle. J'ai peur, mais cela depuis toujours, j'ai peur pour les autres. Peur pour leur sécurité."

    Le Monde des Livres a un
    assez bon profil (toujours en PDF, page 5) de Pierre Guyotat, à l'occasion de la ressortie d'un de ses livres en Folio. Moi, je n'ai lu de lui que (mais c'est son plus célèbre) Tombeau pour cinq cent mille soldats. C'est un roman très beau, mais très violent et très sexuel qui retrace la deuxième guerre mondiale et surtout le génocide juif à travers l'histoire d'une espèce de monde imaginaire. C'est spécial, mais vraiment, je le conseille à quiconque aime la vraie très bonne littérature :
    Michel Leiris écrira : « J’ai dit avoir apporté Tombeau pour cinq cent mille soldats à Picasso, tenant absolument à ce qu’il en prenne connaissance. Cela ne me serait pas venu à l’esprit si je n’avais considéré que ce livre présente un intérêt littéraire assez grand pour qu’un homme engagé aussi constamment dans son travail que l’est Picasso passe quelques heures à le lire».
    Jean Paulhan déclare : « Monsieur Guyotat n’est pas sans génie. C’est un génie quelque peu brutal et systématique, mais qui mérite d’être encouragé ».
    Dans Le Nouvel Observateur, l’écrivain et sociologue Jean Duvignaud se fait l’interprète de beaucoup en écrivant : « Voici un livre qui a déjà été discuté avec passion avant même d’avoir été publié [...] il s’agit d’un poème épique en prose, d’un pamphlet lyrique, d’un de ces ouvrages « incasables » qui ne ressemblent à aucun mais bouleversent la littérature... » ; « [...] on rencontre rarement chez un écrivain de vingt-cinq ans une aussi grande maîtrise dans le déchaînement de la violence et le contrôle des cauchemars – sauf chez Miller ou chez Lawrence. » ; « [...] il y faut le talent (disons le talent par pudeur) pour contrôler cette fantastique hystérie de la violence et du désir [...] » ; « [...] les jeux de la sophistique critique sont réduits à néant quand paraît une œuvre comme le Tombeau. »

    Ecrit par Heileen, à 14:13 dans la rubrique "Littérature générale".



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