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    J'ai longtemps cru qu'en France il était interdit pour deux livres de porter le même titre, ce qui me semblait assez difficile à faire techniquement : peut-on vraiment interdire à qui que se soit d'intituler son livre L'Enfer, juste parce que Dante est passé avant, il y a un sacré bout de temps ? Apparemment non, puisque Henry Barbusse, puis René Belletto avaient tous les deux opté pour, en leurs temps. Ce qui me laissait avec cette question : pourquoi les éditeurs se battent-ils pour déposer leurs titres tout ce qu'il y a de plus officiellement, puisqu'il n'y a pas d'interdiction formelle dans ce domaine ?

    La réponse, c'est finalement Alain Mabanckou qui me l'apporte sur son blog : après avoir fait remarqué que Les Bienveillantes de Littell portait le même titre qu'un roman vieux d'à peine quatre ans, sans que cela ait choqué qui que ce soit, il explique dans un des commentaires le pourquoi du droit d'utiliser le même titre. Et il s'y connait, puisqu'il n'est pas seulement (ancien) juriste des affaires, il est aussi l'heureux gagnant d'un procès que lui a intenté Max Gallo, justement pour cause d'usage du même titre!

    Le conflit est d’ordinaire placé sur le plan de la concurrence et de la confusion commerciale ( le cœur même du droit des affaires, de la propriété intellectuelle).
    Voici ce que dit le Code de la propriété intellectuelle, avec sa loi du 11 mars 1955 :
    Art. 5. -
    Le titre d’une oeuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme d’oeuvre elle-même. Nul ne peut, même si l’oeuvre n’est plus protégée dans les termes des articles 21 et 22, utiliser ce titre pour individualiser une oeuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion.

    La question de la confusion est donc fondamentale même si le titre du roman ne semble pas original. Les avocats les plus subtils n’attaquent jamais sur le plan de l’originalité du titre de l’ouvrage de leur client, mais sur la confusion préjudiciable que cause la parution d’un autre ouvrage ayant le même titre dans un même genre. Par conséquent, l’auteur qui réussit à démontrer au juge cette confusion préjudiciable est fondé à réclamer une rectification avec des dommages-intérêts. [...]

    En bonus, voici la définition juridique retenue pour l’originalité [Lors de son procès contre Max Gallo], et vous constaterez que c’est le juge qui décide au cas par cas de l’originalité du titre et non la conception rapide et facile qui laisserait croire que les "réalités mythogiques" étant dans le fonds commun, un titre de roman s’en inspirant serait dénué de toute originalité, et donc exclurait toute action d’un auteur victime d’un préjudice :

    L’originalité est l’expression juridique de la créativité de l’auteur, elle est définie comme l’empreinte de sa personnalité. La condition d’originalité est une notion relative, les juges appréciant le caractère original de l’œuvre au cas par cas, elle se distingue de la notion de nouveauté entendue objectivement (exemple, deux peintres peignant le même sujet, le second tableau n’est pas nouveau mais sera considéré comme original car il exprime la personnalité de l’auteur). 

    Via La république des Livres.
    Ecrit par Heileen, à 23:10 dans la rubrique "Littérature générale".



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