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    Comme je ne lis plus Le Monde des Livres que mon hygiène littéraire tous les trois mois, j'ai raté le papier sur les agents littéraires. Non pas que ce soit une enquête très approfondie : c'est plutôt du service minimum, mais il ne faut pas trop en demander au Monde non plus.

    D'ailleurs, le sujet n'est pas tant les agents littéraires, que les cessions de droits à l'étranger qui passeraient ou ne passeraient pas mieux par les agents :
    "Je suis triste que les auteurs français ne s'exportent pas mieux. Je sais qu'il y a beaucoup plus d'écrivains français contemporains intéressants que les rares qui parviennent à la connaissance des lecteurs américains." Exprimé dans "Le Monde des livres" (daté du 6 octobre) par Andrew Wylie, l'un des agents américains les plus craints,ce jugement a piqué au vif la profession. [...]
    A la crainte de voir "débarquer" quelques agents anglais ou américains puissants s'ajoutent, pour les éditeurs français, d'autres motifs d'inquiétude. En cinq ans, outre-Rhin, un tiers des auteurs auraient fait le choix d'être représenté par un agent. En pays latin, en Italie ou en Espagne, les créations d'agences se multiplient. Et "l'affaire Littell" n'a pas apaisé les esprits, au contraire. L'auteur des Bienveillantes (Gallimard, Prix Goncourt 2006), Américain d'origine et aujourd'hui naturalisé français, avait confié le destin de son manuscrit à l'agent londonien Andrew Nurnberg. Contrairement aux usages en vigueur dans l'édition française, ce dernier a réussi à conserver la commercialisation des droits internationaux du roman. Et à engranger ainsi des sommes importantes un peu partout dans le monde - 1 million de dollars (733 000 euros) pour les seuls Etats-Unis. Un exemple qui pourrait donner des idées à d'autres écrivains...
    Mais qu'en est-il au juste de toutes ces craintes ? L'édition française, qui a vécu longtemps - et plutôt bien - sans l'entremise d'agents littéraires, va-t-elle basculer dans une nouvelle ère ? Est-ce la fin de "l'exception française" ? Un constat d'abord : vu du SNE, "
    la littérature française se défend plutôt bien à l'international", remarque Jean Mattern. Avec 6 000 contrats cédés chaque année par les responsables de droits français, la langue de Molière demeure la plus traduite en anglais, devant l'allemand (2 000 contrats en moyenne). Reste que les traductions ne représentent que 3 % de la production éditoriale anglo-saxonne, alors que la place de la littérature étrangère en France se situe entre 30 % et 40 %.
    Sur ce sujet là, le billet de Clairwitch est édifiant : travaillant en ce moment dans une maison d'édition allemande, "[son] boulot est de convaincre [ses] chefs de traduire plus de livres français", et on ne peut pas dire qu'elle soit aidée par les éditeurs français :
    L'incompétence crasse : la responsable droits étrangers est contente qu'une maison allemande manifeste son intérêt, mais elle n'a pas lu le livre, ne le lira jamais et n'y portera jamais le moindre intérêt, parce que c'est de la beurk-SF, mais elle essaie tout de même pathétiquement de vendre sa came, en griffonnant sur une carte qu'elle joindra au SP deux trois phrases passe-partout pompées sur l'argu. [...]
    La fin de non recevoir, à savoir l'impossibilité de joindre un hypothétique service des droits étrangers et de passer le barrage du standard (où personne ne sait ce qu'est un service des droits étrangers, ohé les gens, vous bossez dans une maison d'édition), à part pour atterrir dans d'autres services d'où l'on se fait irrémédiablement jeter comme une malpropre. J'évoque là une très grosse maison d'édition parisienne...
    Le je-m'en-foutisme absolu : vous voulez acheter un de nos livres ? Oui, c'est bien. Quoi, vous voulez un SP ? Pff, chier, on a pas que ça à faire. [...]
    Le fonctionnalisme minimaliste : tu demandes un ouvrage, tu l'as quatre jours plus tard, tout nu, pas un argu, pas une carte de visite, pas un chiffre de vente (ouh la la, c'est secret), tu te démerdes, tu ne sais même pas qui joindre au cas où. [...]
    Le report de responsabilité, là encore dans une très grosse maison : quoi, comment ça vous voulez un de nos livres ? Mais vous avez un scout en France, vous voyez avec lui, merde, c'est pas mon boulot ! [...]
    La bureaucratie absurde : heu oui alors vous nous avez dit que vous vous intéressiez pour tel livre, ça nous rend très heureux, mais en fait on ne l'exploite plus. Comment ça, vous ne l'exploitez plus, il est toujours en vente, il est bientôt repris en poche, c'est un titre qui marche, que voulez-vous dire ? Oh bah il est sorti y'a un bout de temps donc on a décidé qu'on ne l'exploitait plus en droits étrangers, on ne cherche plus à le vendre, vous comprenez, on peut plus bosser sur tous nos titres [...]

    Pour en revenir aux agents, le Monde ne fait que survoler la vraie problématique : si les agents ne marchent pas en France, c'est pour la bonne raison qu'il ne représentent pas la même choses que les incontournables agents littéraires américains. Le fait est qu'en France, se passer d'agents, cela marche très bien : certes, la cession de droits à l'étranger est problématique, certes le nombres d'auteurs qui se font financièrement entuber par leur éditeurs est grand, mais pas au point de rendre le système bancal.

    Aux Etats-Unis, les éditeurs ne sont plus que des commerciaux : ils vendent des livres, point. Ils méprisent les manuscrits reçus par la Poste, et leur demander d'éditer un texte, c'est aussi grossier que d'oublier de leur demander combien ils gagnent très bien leur vie. Ce travail d'éditeur, ce sont les agents qui s'en chargent. Lorsque le livre arrive chez l'éditeur, il est en général près à être emballé et pesé.

    A moins d'un bouleversement biologique irréparable, il est hors de question en France que les éditeurs cessent de faire leur travail d'éditeur (je parle des vrais éditeurs, ceux des petites et moyennes maisons d'édition). Un éditeur est un découvreur de talents, un type que fait rêver les foules : c'est d'ailleurs la raison pour laquelle tant de gens se pressent au portillon pour devenir un sacro-saint éditeur. Bizarrement, le rôle d'agent ne fait pas vibrer grand monde, peut-être parce qu'il raisonne de façon beaucoup plus financière que l'éditeur indépendant. En effet, son salaire dépend uniquement des auteurs qu'il vend : on ne peut pas être un agent indépendant, un agent du coup-de-coeur. Pour prendre un exemple, Milena Agus, auteur du Mal de Pierre, avait fait un bide en Italie. Si elle n'avait dû attendre que le bon vouloir d'un agent, elle n'aurait jamais eu droit à une seconde chance en France.

    Tant que la littérature aura encore en France un statut et une auréole qu'elle a perdue aux Etats-Unis, il y a peu de chance que les agents arrivent vraiment à s'imposer dans ce genre de chaine éditoriale. Il resteront toujours des parasites plus ou moins bien admis. Appelons ça de l'exception française. Moi, j'aime bien exceptionner.
    Ecrit par Heileen, à 09:54 dans la rubrique "Les déboires de l'édition".

    Commentaires :

      Clairwitch
    03-05-07
    à 18:13

    N'empêche qu'en France, les éditeurs qui éditent (au sens anglais "editing") se font de plus en plus rares, comme si cela ne faisait plus partie des attributions du poste. Et comme personne d'autre ne s'en charge...

      Heileen
    Heileen
    03-05-07
    à 22:58

    Re:

    En fait, quand je parle d'éditeurs (qui font de l'éditing donc), je parle surtout des maisons indépendantes, qui sont le principales vivier d'auteurs en France, même qi elles sont de plus en plus menacées (le joli paradoxe français, j'adoooore!) : Le dilettante, Verdier, Le Diable Vauvert, etc. Ce vivier est de plus en plus réduit aux état-unis et en angleterre. Les grosses maison d'édition française ne valent pas mieux que les américaines, et en général, lorsqu'elles reprennent un auteur venu de petites maisons indépendantes, elles considèrent qu'elles n'ont plus à fournir le service après-vente d'éditing, puisque l'auteur a fait ses preuves.
    Le seul editing que j'ai vu commettre en grosse maison d'édition commerciale, c'est le charcutage : on coupe-coupe les textes (étrangers en général) de grosses portions sans discussion aucune.

    Maintenant, puisqu'en effet, il n'y a pas que l'anglo-saxonnie dans la vie, j'avoue que je ne sais pas ce qu'il en est des agents littéraires en Allemagne, en Italie, ou en Espagne, ni même de l'état de l'édition indépendantes. Tu es mieux placée que moi pour en parler : les agents font ils de l'éditing, ou ne se soucient-ils que de cessions de droits et de contrats ?

      Clairwitch
    07-05-07
    à 19:15

    Re:

    En Allemagne, il y a très peu de maisons indépendantes (c'est quand même le pays de Bertelsmann, donc niveau groupes on est servis) et l'editing est plutôt du ressort des éditeurs. Mais de ce que j'ai pu en voir, ce boulot est plutôt pris au sérieux pour les textes d'auteurs allemands. Après, ouiii, il arriiive qu'on demande au traducteur de... comment dire... pas charcuter, non non, juste faire plus court (ou plus long). Hum.

    Je crois qu'il y a des agents (qui représentent des auteurs et non des maisons) qui se chargent aussi de l'editing. Et pas qu'en Allemagne. Pierre Astier par exemple, il me semble qu'il bosse beaucoup sur les textes de ses auteurs, mais le cas n'est pas très représentatif, il s'agit quand même d'un ancien éditeur et je pense que ça arrange ses clients de recevoir un manuscrit "clef en mains" prêt à partir en fab.



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